Comme tout bon brigand, Françoise s'est encapuchonnée.
Eh ! Machin ! Oui, vous, là ! Je viens travailler pour vous !
Je suis Françoise. Je veux dire, Françoise, c'est mon nom.
Puisqu'on l'écoute,
...et je vous en remercie...
puis qu'on l'écoute, donc, elle se présente, sans état d'âme.
Dans mon village, je me destine à la voie ecclésiastique. Mais quand je serai curé, ou évêque, ou... je ne sais pas, je ne pourrai plus m'amuser aussi bien. Il faut brûler... le feu de sa jeunesse... par les deux bouts sinon rien ne sert... de partir... avec espoir garder... de qui tout vient à point... Non ? Alors oui, j'ai décidé de travailler pour vous.
Françoise n'a pas peur d'elle-même, ni honte de ses pensées, elle a juste parfois quelques difficultés à se faire comprendre, qu'elle met sur le compte de sa supériorité d'âme.
J'aime pas trop me battre, parce que je crois que peut-être l'adversaire est mon ami. Mais en même temps, j'ai jamais eu d'amis, alors c'est vrai qu'il n'y a pas trop de risques. Et je n'aime pas trop non plus cette histoire d'amitié... Je me méfie. Moi, par exemple, je trahirais mon ami pour rien, je crois. Si j'aimais mes amis, ce serait différent. Mais en vrai, je crois, ce que j'aime, c'est l'argent. C'est ce que je préfère.
Il ne fallait pas plus que quelques hochements de tête pour que Françoise livre le fond de sa pensée.
S'il faut se battre, je me battrai, mais au fond, je voudrais surtout me venger. Me venger des maires et des petits éleveurs de cochons, des procureurs et des petits paysans qui me regardent de haut parce qu'ils ont deux champs et un bel habit. Mais ce ne sont pas les pires. Je voudrais humilier d'abord ceux qui me saluent puis détournent la tête et rient de moi. Je pourrais vous donner leurs noms sans hésiter. Traitre, je crois que ce serait dans mes cordes. Et puis aussi curé, mais plus tard. Je peux venir avec vous ?
Françoise guette l'assentiment de son hôte.
Vous voulez être mon ami ? Et surtout... je voudrais savoir si je pourrai boire du vin.