MAndragore est perdue ou égarée, elle a choisi de bifurquer...

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Le parchemin est froissé à force d’être lu et relu… Elle ne l’a pas lâché, hésitant, maugréant.
Son passé pas si simple a été imparfait jusque là et à présent, elle souhaite conjuguer sa vie au présent, celui qu’elle choisira, sans penser au futur, quelqu’en soit la mouture.

L’arrivée impromptue de cette missive mystérieuse, mais juste quand il fallait, l’a étonnée, comme si… comme si c’est écrit sur le parchemin de sa vie qu’elle doit bifurquer.
Bien sûr, elle a longuement hésité, incertaine et espérant, mais c’est vain finalement.

Libérée malgré elle de ses liens, elle est prête à découvrir une nouvelle vie…

Elle en est là dans ses pensées, quand les flammes vascillantes des torches éclairèrent l’obscurité. Le poste de garde lui apparaît dans l’obscurité, finalement ce plan brouillon l’a bien menée là où elle doit se rendre.

Bien qu’elle n’y connaisse personne et ne sachant pas ce qui l’attend vraiment, elle s’avance d’un pas timide et hèle un garde.

Sur la missive, il est écrit le nom d’un homme qu’elle doit demander à voir. Elle lui a déjà envoyé une missive, mais n’a eu aucune réponse. Ainsi, elle n’a pas eu d’autre choix que d’aller sur place.

- Hé là ! Je dois causer à .. euh..

Elle relit vite fait le nom presque effacé sur la missive :

- à Melvort !

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Parti tôt le matin à la chasse aux faisans, Melvort en était revenu tout aussi rapidement, bredouille. La volaille ne lui réussissait guère. Ça avait commencé avec ses pigeons, stupides bestioles qui, une fois lâchées vers leurs destinations, n'avaient plus cru bon de remontrer le bout de leur bec. Et maintenant, voilà que son dîner battait de l'aile. Ces derniers jours, la chance semblait avoir prolongé ses congés et dérobé avec elle la douceur de l'été. Averse et poisse, c'était tout ce qui dégoulinait de l'esprit embruiné du bonhomme lorsqu'il aperçut une femme héler le maton de service. La pauvrette aurait pu s'époumoner encore longtemps: le cerbère était invariablement pinté la plupart du temps. Et ses rares moments de lucidité, il les occupait à feindre une surdité, autant pour contenter sa feignasserie naturelle que pour railler en sourdine les pauvres hères qui s'aventuraient jusqu'ici.

D'humeur massacrante, Melvort aurait sans doute laissé la femme égarer sa voix s'il ne l'avait pas entendue le nommer, lui précisément. Parvenu aux grilles, il se retourna
vers la crieuse et la dévisagea d'une mine revêche:

- Gueulez pas comme ça... Tout c'que vous y gagnerez, c'sont des ronflements plus assourdissants encore.

Extirpant une clé des profondeurs de sa manche, il fit jouer la serrure et entrebâilla la porte dans un hululement grotesque:

- Allez-y, passez la première. Voyez comme j'ai une notion bien personnelle d'la sécurité des lieux. Un vrai moulin... Puis, dans un ricanement inquiétant: On n'en ressort pas aisément en r'vanche...

Et de poursuivre dans un haussement d'épaules:

- Z'avez quémandé Melvort, j'ai entendu. C'est pour quoi qu'vous souhaitez l'voir?

Avant d'aviser un morceau de parchemin qui gigotait entre ses pattes et dont il la débarrassa sans cérémonie. Bref coup d'oeil à la paperasse:

- Ah oué... Bon, suivez-moi et distrayez notre chemin en m'racontant votre histoire.

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Le garde ne bronchait pas et elle avait envie de lui jeter une motte de terre à la face… Mais elle se retint, car c’était assurément une très mauvaise idée. Alors qu’elle le détaillait à honnête distance, elle remarqua un mur d’indifférence.

Soudain, elle entendit des pas derrière elle, et, à peine eut-elle le temps de se retourner que l’homme était déjà à sa hauteur. Elle le dévisagea en l’écoutant, mais resta muette, car un peu impressionnée. Son air n’était pas très avenant, mais collait bien avec l’endroit où elle se trouvait.

Le décor était posé, les acteurs commençaient à apparaître, le spectacle allait bientôt commencer, mais personne ne savait comment le dénouement se déroulerait…

La clé dans la serrure tourna et le cliquetis qui libéra le verrou fit frissonner la Blonde.

- Euh, vous êtes sûr que je dois entrer en premier ?

Même si elle tentait de contrôler le ton de sa voix, il en transpirait une presque crainte qui ne l’empêcha pas de pénétrer à l’intérieur la main crispée sur son bâton.

- Oui, Melvort, mais je ne le connais pas, c’est juste qu’il faut que je m’adresse à lui, c’était ce qu’il y avait écr…

Son drôle d’hôte lui arracha la missive des mains sans aucun ménagement. Peu importe, elle ne lui était plus d’aucune utilité à présent.

- Mon histoire, à vrai dire, elle est à réécrire… Je me disais que cette missive serait le prologue du deuxième tome de ma vie. Je n’ai rien fait de bon jusque là… Je n’ai plus d’attaches… Mais, êtes-vous entrain de me mener vers cet homme, Melvort ?

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Ils entamèrent une lugubre pérégrination jusqu’au cœur du château, le bonhomme ouvrait la marche et empoignait un flambeau dont la lueur vacillait tellement qu’elle menaçait d’agoniser à chaque souffle d’air provoqué par les méandres du couloir qu’ils suivaient. Sur les murs, Melvort distingua leurs deux ombres qui tanguaient et il ne put s’empêcher de penser que la silhouette de la donzelle, armée de son bâton et enveloppée d’un voile d’incertitude, ressemblait davantage à une bergère en quête de ses moutons égarés plutôt qu’à une crapule. Comme ils parvenaient à un petit escalier, il se retourna soudainement, manquant d’incendier la chevelure de la blonde d’un coup de torche :

- Etes-vous facilement effrayée ? Si vous l’êtes avant même d’avoir vu Melvort, le type à qui j’vous mène, j’crains qu’il ne faille songer à vous trouver une place de libre dans nos catacombes…

A sa mine concentrée, il semblait déjà faire le compte des derniers arrivages de macchabées et devait se demander s’il restait encore suffisamment d’espace pour y fourrer cette femme. Sans s’arrêter de jacasser, il commença à descendre les degrés :

- J’vous ai entendue dire qu’vous n’aviez rien fait de bon jusqu’à présent. J’ai peur qu’en passant ce porche et en nous rejoignant, vous n’ayez pas davantage de bonnes actions dont vous pourrez vous enorgueillir. La bâtisse dans laquelle vous avez aventuré vos pieds n’est pas exactement un hospice de la charité…

Comme ils pénétraient dans une salle commune, Melvort se retourna vers la blonde vers qui il poussa, d’un coup de botte, une chaise dangereusement bancale et l’invita à s’asseoir. Puis lui tendit un parchemin et une plume:

- Vous qui souhaitez écrire le second tome de votre vie, en voici déjà la préface. Ensuite, vous verrez l'homme qu'vous cherchez.

S'emparant de deux verres qui traînaient sur la table, il entreprit de les remplir avant de se raviser et d'observer la blonde d'un air irrésolu:

- Vous préférez quoi? J'allais vous verser une rasade de rouge. Mais à la réflexion, j'vous rendrais p'têtre service en vous servant une coupe de ciguë...

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La porte s’était refermée derrière elle dans un bruissement glauque. La Blonde soupira doucement, autant rassurée de débuter une autre vie que troublée par l’endroit où elle se trouvait. Elle fixait comme hypnotisée la faible flamme chancelante tout en suivant son guide.
Le sombre couloir semblait interminable et, avec le jeu des ombres mouvantes créées par la flamme, la jeune téméraire s’attendait à voir apparaître de vrais fantômes au-delà des ombres. Soudain, son étrange accompagnateur se retourna pour se retrouver face à elle. La flammèche vint chatouiller son visage de sa chaleur dangereuse. Les deux billes luisantes de l’homme l’observèrent, elle ne baissa pas les yeux allant même jusqu’à le défier du regard, lui offrant un avant-goût de son mauvais caractère.

- Je ne suis pas effrayée ! Vous vous trompez ! Me prenez pas pour une cruche, non plus ! Je sais exactement où je suis et ce que je suis venue y faire… Enfin, en gros…

Faisant glisser son regard vers la descente obscure béant comme un puits sans fond, elle se demanda s’il avait vraiment l’intention de l’emmener voir ce Melvort dont elle commençait à douter de l’existence.
Au bout de ce parcours sinueux, et alors qu’elle se demandait si elle saurait rebrousser chemin, quoiqu’elle doutât sérieusement le désirer, se trouvait une salle tout aussi obscure et froide que le couloir qui les y avait menés. Faudrait-il s’habituer à vivre dans un endroit aussi sordide ? Elle espérait que non.

Toisant le siège branlant, elle s’assit prudemment après avoir saisi avec une brutalité qui ne lui était pas commune le parchemin et la plume.
Oubliant durant quelques minutes son interlocuteur, elle se plongea dans la lecture de ce bref formulaire qui scellerait son destin par le frottement de la plume sur le velin. Elle cacha une certaine contrariété à devoir ainsi dévoiler certaines informations personnelles, mais elle n’avait pas d’autre choix. Aussi, d’une écriture appliquée et très assurée, elle compléta le questionnaire.

Lorsqu’elle releva la tête, il l’observait encore comme un prédateur prêt à bondir sur sa proie. Son regard clair se fit glaçant quand il croisa celui de l’homme.

- Méfiez-vous de ce genre de plante… A trop en parler, vous risqueriez de vous trouver piégé. Et quitte à choisir un poison, autant en choisir dont l’odeur est moins désagréable… La mort n’en serait que plus douce.

Elle secoua le parchemin complété sous son nez.

- Voilà qui est fait. Etes-vous satisfait ? Allez-vous à présent me conduire vers l’homme que je dois trouver ? Mais en attendant…

Désignant les verres et le vin d’un geste du menton.

- Ce voyage m’a assoiffé. Et j’ai froid.

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Curieusement, la femme semble avoir du cran. Un soupçon d’audace qu’il discerne quelque part, caché au fin fond de ses pupilles. Et Melvort en est d’autant plus étonné qu’il l’avait d’abord prise pour une blonde quelconque, s’efforçant de camoufler sa frousse sous un enrobage de manières. Peut-être, après tout, qu’elle n’est pas la jolie plante verte qu’elle paraît, et qu’elle ne craint pas de filer ses bas avant de porter un coup d’épée. Alors, voyant la drôle tirer la langue de soif, la trogne du bougre s’éclaire soudain d’une idée. Se retournant vers une rangée de tonnelets, il les examine longuement avant d’y extraire une première futaille, puis une seconde. Il verse tour à tour la mystérieuse boisson de chacun des tonneaux dans deux cruchons et en tend un à la blonde, après lui avoir dérobé son parchemin :

- Echange de bons procédés… Vraiment, j’ignore quel mélange a croupi dans ces fûts. Mais qui sait si notre piquette, plus vieille encore que l’vinaigre, n'aura pas sur vous des effets similaires à une rasade de ciguë…

Tandis qu’il renifle son gobelet, il jauge la femme d’un œil nonchalant :

- On dirait bien qu’le premier combattant qu’vous ayez à affronter soit… une cruche. Alors, p’têtre bien qu’ votre froid passera, mais p’têtre aussi qu’il ne vous quittera plus jamais. Vous avez pris un risque en pénétrant ici. C’est l’moment d’savoir où se terre votre courage. L’heure de connaître la manière avec laquelle vous passerez cette porte : sur vos jambes ou les pieds d’vant…

Il repose son godet sur la table et l’éloigne ostensiblement de lui. Est-il parvenu à semer le doute dans l’esprit de cette femme ? Il ne cherche pas à dissimuler l'impatience qu'il a de la voir lamper la bibine :

- Oh… et puis, avant qu’vous ne vous noyiez dans votre vase, voici un présent. D’adieu ou de bienvenue, je n’le sais pas encore. Vous cherchiez Melvort, n’est-ce pas ? Eh bien c’est moi… J’aurais regretté d’vous voir agoniser sans qu’vous ayez su à qui vous causiez pendant tout c’temps.

Il écarquille à peine les yeux, guettant chacune des réactions de la blonde:

- Ben quoi ? Faites pas cette tête ! M’dites pas qu’vous vous attendiez à quelqu’un d’autre hein… Vous allez finir par m’vexer…

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Insouciance ou défi, en tout cas, elle a bien l’intention de goûter ce breuvage qui, pourtant, ne lui inspire pas confiance, et d’autant moins que son interlocuteur semble s’en détourner très rapidement.

Si son chemin doit se terminer là… dans une pièce sombre…
Non ! Elle n’a pas fait tout ce chemin pour qu’il se termine en cul-de-sac !
Non ! Elle, ce qu’elle veut, c’est connaître une autre vie, peu importe les conséquences, et il y en aura, c’est certain.

Quand l’homme délivre son identité, elle l’observe minutieusement. Elle se trouve vraiment dans l’antre des apparences et des faux-semblants, encore faut-il parvenir à s’y habituer. Pas si facile.

Tout s’emmêle dans son esprit, qui est-elle vraiment ? Blonde, brune ou ébène… Tout se mélange, et si en fait, ce n’est pas vraiment elle, mais une autre…
Les murs de la pièce semblent s’animer et commencent à tourner, comme si… Comme si elle se trouvait dans un tourbillon enivrant qui l’entraîne dans un endroit inconnu… et obscur…

Et ce cri à peine audible qu’elle laisse échapper comme un dernier appel, qui ne ressemble pas du tout à un appel à l’aide :

- Attendez-moi… Je vous rejoindrai… Là où vous avez dit… Enfin.. Elle.. vous rejoindra… Attendez-la…

» Poukouapa elle
» Elle arrive...
» Elle est ou la poulette ?
» Oh la menteuse, elle est amoureuse.........pppffff...m'me pô vrai
» Quoi ma gueule ? Qu'est ce qu'elle a ma gueule ?